Préparations moteur 1.8 turbo.
Je vais traiter dans ce sujet du moteur de l’Alfa 75 turbo que je connais bien pour le pratiquer depuis plus de 20 ans, quasiment au quotidien.
Tout d’abord, un rappel des caractéristiques de ce merveilleux moteur :
La cylindrée est de 1779 cm3 avec un taux de compression de 7.5 :1, gérée par une injection électronique Bosch LE-Jetronic avec turbocompresseur Garrett T3 Airessearch avec intercooler air/air et radiateur d’huile, 155cv à 5800 trs/mn, 22.6 mkg de couple à 2.600 trs/mn, dont 19 mkg à 1.700 trs/mn (soit plus de couple que le 2.0 à régime équivalent).
En 1991, la 75 turbo passe à 165cv avec le modèle QV. Cette version dispose d’un nouvel ECU de gestion d’allumage/injection Bosch.
Et enfin, la version Evoluzione, sortie en 500 exemplaires en 1987, dispose, elle, d’un moteur spécifique d’une cylindrée de 1762 cm3 avec quelques pièces renforcées (paliers de vilebrequin si mes souvenirs sont bons) et d’une pression de turbo d’origine entre 0.8 et 0.9 bars. Soit environ 180/190cv, même si officiellement, Alfa Romeo a toujours marqué « 155cv » (pour ne pas faire de l’ombre au lancement du vaisseau amiral 3.0 V6 sorti la même année).
C’est tout simplement l’Alfa 75 de série la plus performante de la gamme.
La pression de turbo maximale d’origine est à 0.65 bars environ pour toutes les versions (sauf Evoluzione).
Ce qu’il faut savoir, c’est que cette pression varie sensiblement en fonction des disparités de fabrication (certaines 75 turbo vendues neuves avaient 0.7 bars alors que d’autres n’avaient que 0.5 bars), mais aussi de la température extérieure (en été, la pression baisse un peu) et de l’altitude (plus on est haut, plus la pression augmente légèrement).
Mais en règle générale, les 75 turbo « en forme » (et d’origine) sont plus proches des 165cv que des 155cv officiels.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la version 75 turbo QV de 165cv officiels n’est pas plus performante que les anciennes versions (même moins en été car cette version dispose d’une sonde de température supplémentaire sur l’intercooler et qui fait baisser la pression de turbo quand c’est trop chaud).
Et c’est ce qui explique les très bonnes performances de ce moteur face au 3.0 V6.
En conclusion, le 1.8 turbo est un formidable moteur, c’est un des plus fiables de la famille des Bialbéros parce que, grâce au turbo, il n’a pas besoin de tourner vite pour avoir de bonnes perfs, 5000 trs/mn max suffit en usage soutenu contrairement à un atmo où il faut souvent aller dans les hauts régimes. Ce bloc moteur est donc quasiment increvable, autant que le 2.0 TS !
C’est aussi le plus performant des Bialbéros pour un coût d’entretien somme tout assez faible.
C’est également un moteur très facile à préparer et qui s’adapte à tous les budgets, il est capable de cracher 230cv en toute fiabilité et en gardant toutes les pièces internes du moteur, mais il est aussi capable de 400cv, voire plus, dans ses derniers retranchements (avec des pièces onéreuses certes).
Un moteur qui a tout pour lui et qui mérite un dossier…
NB : Chose importante à savoir, il y a un problème connu avec l’électrovanne de régulation de pression, appelé communément « pierburg » (du nom de la marque). Celui-ci, avec le temps, se dérègle systématiquement et fait souvent baisser involontairement la pression de turbo…
On en reparlera plus tard dans ce dossier.
Ce dossier va donc traiter de la préparation du moteur en différents « stages » pour tous les budgets et selon ce qu’on souhaite en faire comme utilisation : route, track-day ou pure pistarde avec maximum power !
Je vais donc commencer par la prépa la plus simple jusqu’à la plus compliquée et onéreuse.
· STAGE 1 :
Pour commencer et pour avoir pas mal de puissance pour quasiment 0 euro, il suffit de mettre un « robinet de turbo » qui consiste en une simple clavette fendue en longueur et de diamètre 3 mm environ.
Il suffit ensuite de couper la petite durite qui relie le pierburg à la waste-gate (le tuyau au-dessus de celui-ci), d’insérer ce petit tube fendu afin de relier les 2 tuyaux coupés.
C’est l’écartement des tuyaux qui permet d’augmenter la pression de turbo.
Pour revenir à la pression d’origine, il suffit de fermer totalement ce « robinet ».
Cette solution a au moins un mérite : celle d’éviter des écarts de pression de turbo dus aux dysfonctionnements du pierburg. En effet, le robinet de turbo permet de compenser et de mieux réguler la pression de turbo.
L’inconvénient est que vous serez tentés de mettre plus de pression que le raisonnable et là, gare à la fiabilité, notamment l’usure accélérée voire la casse pure et simple du turbo mais aussi du joint de culasse faisant office de fusible car le mélange air/essence sera bien plus pauvre que d’origine.
La pression maximale raisonnable est 0.8 bars avec le robinet de turbo et ceci, sans rien modifier d’autre du moteur.
Vous pouvez alors espérer une puissance de 175/180cv environ avec cette configuration pour 3 francs, 6 sous, ce qui est déjà appréciable !
· STAGE 2 :
Ici, on entre dans une prépa simple mais plus sérieuse que le stage 1.
Cela consiste à mettre le même robinet de turbo et de :
- « écraser » le régulateur de pression d’essence, ce qui permet d’avoir 200 grammes de plus (soit 3.2 bars),
- ajouter une dump-valve à double piston,
- mettre des bougies NGK B8EGV ou Champion N3G.
Avec cette solution peu onéreuse, nous avons la même puissance que le stage 1 mais avec la fiabilité en plus : le mélange air/essence est plus homogène (moins de risque de cliquetis) et le turbo sera protégé par la dump-valve.
On peut même se permettre de monter à 0.9 bars de pression de turbo et ainsi avoir environ 180/185cv fiables.
Une dump-valve est une soupape commandée par dépression (via un tuyau branché sur le collecteur d’admission) qui permet d’éjecter le surplus de pression d’air quand on coupe les gaz (papillon des gaz fermé), ce qui évite de casser le turbo par contre-pression.
Il existe plusieurs modèles : « pop-off valve » (le surplus de pression est perdue dans l’atmosphère d’où le fameux « pchiiiiit » qu’on entend) et les dump-valve à recirculation (le surplus, au lieu d’être perdue, est réinjecté en amont du turbo entre le débitmètre et le turbo, ce qui permet de diminuer le « lag » du turbo, temps de retard dû à la turbine quand on réaccélère).
Parmi les « pop-off », il existe en simple piston ou en double piston. Pour la 75 turbo, il est obligatoire de mettre une double piston pour éviter des problèmes de variation de pression.
Avec la configuration de l’intercooler d’origine, il n’est pas possible d’installer une dump à recirculation car ce type de dump doit être installé entre la sortie de l’intercooler et le collecteur d’admission afin que le surplus d’air soit froid pour qu’il soit réinjecter à l’entrée du turbo.
En revanche, si on installe un intercooler frontal, ça peut se faire facilement.
· STAGE 2 bis :
Cette étape de prépa est la même que le stage 2, la différence est sur la gestion de la pression de turbo qui, au lieu de se faire par un « robinet », se fera par une nouvelle puce (EPROM) du boîtier électronique.
C’est la fameuse puce « gateaux » (me contacter par MP pour avoir son numéro de téléphone).
Cette solution est meilleure car la gestion est plus fine et le gain un peu plus important qu’avec un simple robinet.
Avec cette puce (dont l’installation est très facile à faire), vous disposerez de 1 bar de pression de turbo avec un mélange air/essence optimisé en conséquence et en toute fiabilité.
Le résultat est flatteur avec une puissance d’environ 190cv et un couple d’environ 29 mkg.
(procédure d’installation de la puce)
(photos)
Bien entendu, il faut obligatoirement avoir une dump-valve à double pistons et des bougies de type NGK B8EGV ou Champion N3G.
· STAGE 3 :
Ici, on commence à passer aux choses sérieuses avec quelques notions de mécanique avancée obligatoires.
Ce stage 3 consiste en effet à mettre un arbre à câmes n°10548 à l’admission (possibilité de mettre simplement un arbre à câmes d’échappement de 75 turbo à la place de celui d’origine à l’admission). Avec bien sûr les réglages nécessaires de calage des arbres à câmes à 5° pour l’échappement et 9° pour l’admission. Le tout avec un réglage d’avance à l’allumage à 9°.
Possibilité aussi de faire retailler les arbres à câmes par un spécialiste.
Le collecteur d’échappement est remplacé par un de type Evoluzione, plus solide et plus performant (optimisation des flux des gaz d’échappement vers le turbo).
(photo)
Le turbocompresseur Garrett T3 d’origine doit être revu par la modification de la butée qui passe à 360° (au lieu de 270°) pour améliorer la fiabilité du T3 avec les grosses pressions (1.2 bars et plus).
(photo)
Les injecteurs d’origine peuvent être conservés ou bien remplacés par des modèles Bosch 0280150159 (débit de 260cc, mais il faut mettre une rampe d’injecteurs de 2.0 TS modifiée).
(photo)
La pompe à essence doit être remplacée par un modèle Bosch 0580254909 pour avoir un débit en conséquence.
La mise en place d’un régulateur de pression d’essence réglable est bien sûr nécessaire pour affiner les réglages (normalement à 3.5 bars, voire un peu plus).
(photo)
Le filtre à air d’origine peut être remplacé efficacement par un filtre en cône plus direct (avec canalisation et cloisonnage du filtre).
(photo exemple)
Nous allons supprimer l’infect pierburg et donc mettre une waste-gate tarée mécaniquement (la pression sera alors toujours constante quelque soit les températures).
Et bien sûr, nous installons une nouvelle puce « gateaux » optimisée avec pression de turbo 1.2 bars stabilisée et rupteur repoussé à 7500 trs/mn.
Les bougies seront cette fois-ci des NGK B9EG (ou B9ES) ou Champion N2G (ou N2C).
Il est conseillé d’installer deux manomètres : un mano de température des gaz d’échappement avec sonde thermocouple K (à installer sur le collecteur Evoluzione) et un mano d’analyseur de richesse avec sonde lambda large bande (à installer 10/15 cm après le turbo, sur la ligne d’échappement).
Ces deux manos permettront de vérifier que tout est bien réglé, sachant que la température des gaz ne doit pas dépasser 1000°c (950 est la valeur limite maximale en pleine charge) et que le ratio air/essence doit être inférieur ou égal à 14.7 avec essence SP98 (idéalement entre 12 et 14 en fonction du régime moteur).
Les réglages se font via le régulateur de pression d’essence.
Avec cette prépa intéressante, nous disposons d’un moteur qui ne s’essoufflera pas au delà des 5000 trs/mn et sera donc capable de pousser encore jusqu’à 7000 trs/mn (régime maximal conseillé à ne pas dépasser), le tout avec une mise en service du turbo inchangée (vers 2800 trs/mn) et une fiabilité préservée.
Le résultat est un bond en puissance à 205/210cv (en fonction du profil des arbres à câmes) et un couple important de 30/32 mkg avec une large plage de régime utilisable de 2500 à 7000 trs/mn !
Et ceci, sans changer de pistons, bielles ou quoi que ce soit !
C’est pour ça que je trouve cette prépa vraiment intéressante et c’est ce que j’ai sur mes deux 75 turbo.
En prime, cette prépa est pratiquement invisible (pas de modifs visibles sous le capot à part, l’inanérable dump-valve et éventuellement le filtre à air) et est très efficace sur la route !
C’est ce qu’on appelle un « sleeper » et beaucoup de grosses autos se feront surprendre, héhéhé !!!
La limite de cette prépa est toutefois vite atteinte sur circuit (c’est à dire en usage très soutenu, rarement le cas sur route) car on atteint ici la limite de l’intercooler d’origine qui ne refroidira pas assez l’air d’admission.
On peut quand même palier en partie ce problème par une méthode afghano-paskitanaise en découpant le joint de la séparation baie moteur et en tordant un peu la tôle.
(voir photos).
Cette méthode permet de faire évacuer plus vite la chaleur issu de l’intercooler, testé et approuvé en ayant mis la main dessus en roulant en passager ! J
· STAGE 3 bis :
Injecteurs Bosch 0280150152 (débit de 339cc) avec rampe d’injecteurs de 75 2.0 TS modifiée.
Intercooler frontal.
Pression de turbo 1.3 bars (puce « gateaux »).
Radiateur d’eau de 75 2.4 TD (plus grand).
Ligne d’échappement en diamètre 63 mm.
220/230cv…
La fiabilité est meilleure lors des charges moteur très intenses et prolongées (circuit par exemple).
· STAGE 4 :
Injection électronique programmable Sybele…
La gestion d’allumage et d’injection est beaucoup plus fine qu’avec l’antique Bosch LE2-Jetronic : fini les risques de cliquetis à hauts régimes, les plages de régime trop riche en essence (lavage des cylindres), les surconsommations de carburant (imbrûlés), etc…
· STAGE 5 :
Turbo Garrett T3 d’origine remplacé par un Garrett GT2854R
Rapport volumétrique passe à 8 :1 (léger rabotage de la culasse)
Joint de culasse renforcé avec anneaux séparés
Pression d’essence à 4 bars
Pression de turbo à 1.5 bars.
Plus de 260cv !
· STAGE 6 :
Grosse prépa avec pistons forgés (exemple : pistons de chez Paul Spruel) et bielles en H.
Arbres à câmes spécifiques.
Grosses soupapes.
Pression de turbo 3 bars.
300cv minimum… et jusqu’à 400cv ++ (la limite étant apparemment 500/550cv avec de l’essence compétition).